Deanna Lockett: Sortir de sa zone de confort ~ Passion/Patin/Vitesse - Passion/Speed/Skating

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21 février 2020

Deanna Lockett: Sortir de sa zone de confort


Je vous l’ai dit par le passé, une des choses que j’apprécie le plus de mon travail pour Passion/Patin/Vitesse est la chance que j’ai de rencontrer des êtres humains d’un peu partout dans le monde. Alors que mon immersion est partielle considérant que je ne fais que rencontrer les athlètes étrangers lorsqu'ils sont de passage à Montréal, les athlètes eux ont l'opportunité de s’imprégner d’autres cultures non seulement par les rencontres mais par les voyages les menant aux différents sites de compétition. Certains vont même jusqu'à plonger complètement dans une nouvelle culture en joignant une autre nation leur permettant de vivre leur rêve à fond et de tirer le maximum de leur carrière. C’est le choix qu’a fait la patineuse d'origine Australienne Deanna Lockett. 

Par Carl Savard
Photos par Oscar van den Bosh et collection personnelle de Deanna Lockett

C’est avec un grand sourire et une attitude décontractée que l'athlète de 24 ans originaire de Sunnybank en Australie s’est présentée à notre rendez-vous l’automne dernier. Le circuit de Coupe du monde de patinage de vitesse courte piste était à Montréal et Lockett avait accepté de me rencontrer pour discuter de son parcours d’athlète. J’étais en premier lieu intéressé à savoir comment une jeune fille active grandissant en Australie en vient à choisir un sport d’hiver. 



«J'ai commencé à patiner à l'âge de huit ou neuf ans. Chez nous, la plupart des sports se pratiquent à l'extérieur, en plein milieu de la journée, sous le chaud soleil Australien. J'ai une peau assez claire et mon père s'inquiétait des risques de cancer de la peau alors nous nous sommes retrouvés à la patinoire. Au début, c'était juste pour des séances de patinage général. J'aimais aller très vite, alors j'ai essayé le patinage de vitesse et j'en suis tombée amoureuse tout de suite. Je n'ai pas grandi entouré d'athlètes, mais j'ai toujours été compétitive et dès le début, j'ai voulu devenir une patineuse de haut niveau. J'avais 16 ans quand j'ai patiné pour la première fois dans une épreuve de la Coupe du monde et je ne m'attendais pas à grand-chose mais j'ai atteint la finale B sur 1500m et j'étais un peu sous le choc. J'ai commencé à me dire que je pourrais peut-être devenir une très bonne patineuse.»

Après quelques saisons sur le circuit international et ayant besoin de tester ses limites, la jeune patineuse reconnue pour son endurance a décidé de tenter l’aventure en patinage de vitesse longue piste. Même si elle possède certains atouts qui pourraient se traduire par de bonnes performances sur l’anneau de 400m, Lockett s’est rendue compte rapidement que la longue piste n’était pas pour elle. «Je suis vraiment bonne pour garder un rythme élevé en courte piste mais au niveau stratégie de course je ne fais pas toujours les bons choix donc j'ai pensé que la longue piste serait bonne pour moi mais le sport est vraiment différent. J'ai pensé à tort que la transition ne serait pas si difficile mais dans les faits, c'était vraiment difficile. Je me suis entraînée pendant environ trois mois aux Pays-Bas et je n'ai pas aimé ça. J'avais hâte que les séances d'entraînement se terminent. Je n'y trouvais pas de plaisir. C'est alors que j'ai décidé de contacter l'équipe Hongroise de courte piste.»

Outre le programme Néerlandais, celui des Hongrois est sûrement celui qui a eu la plus grande progression au cours des huit dernières années. Bien sûr, les prouesses des frères Liu y sont pour quelques choses, mais l’arrivée de la Chinoise Zhang Jing comme conseillère en 2012 puis comme entraîneuse-chef aussi. La Hongrie à également fait preuve d’ouverture en accueillant parmi ses rangs l’Américain Cole Krueger la saison dernière et son frère John Henry cette saison en plus de Lockett. Cette dernière est consciente qu’elle aurait pu demeurer en Australie et représenter sa terre natale aux Jeux olympique à quelques reprises encore mais elle voulait plus pour sa carrière. Elle sentait qu’elle devait faire un choix un peu hors norme. Sortir de sa zone de confort. «Même s'il n'y avait pas beaucoup de patineurs à mon niveau pour s'entraîner avec moi et me pousser, l'Australie m'a donné tellement d'opportunités et ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient pour me supporter. Je voulais par contre faire partie d'une grande équipe. J'avais eu l'occasion de m'entraîner avec de grandes équipes dans le passé, en Corée et ailleurs, mais j'avais envie d'être membre à part entière d'une grosse équipe. Je suis vraiment reconnaissante que la Hongrie m'ait accepté dans ses rangs. Comme je m'étais entraînée avec eux par le passé, je connaissais à peu près tout le monde et comme les règles de mon sport exigent que l'on saute une saison si l'on change de pays, je n'avais pas de pression et je me suis juste entraînée pendant un an. L'équipe féminine de Hongrie a perdu quelques patineuses plus âgées, il y avait donc une ouverture. C'était en quelque sorte le moment idéal pour moi».

Même si la porte était ouverte et que la jeune femme connaissait la plupart des gens impliqués dans l’équipe, changer de pays et obtenir une nouvelle nationalité ne se fait pas sans une période d’ajustement. C’est pourquoi la nouvelle membre de l'équipe Hongroise ne s’était pas mis d’objectif précis pour la saison de Coupe du monde qui vient de prendre fin le weekend dernier aux Pays-Bas.  «Le programme est différent. J'ai une équipe maintenant et j'ai aussi sauté une année et j'ai l'impression que la compétition s'est renforcée pendant mon absence, ce qui est bien mais je devrai être patiente et m’ajuster. J'essaie d'apprécier ce que je fais et de prendre plaisir à patiner. Peut-être que la saison prochaine, je me mettrai plus de pression, mais je tente de rester dans le moment présent et de ne pas trop penser à l'avenir, car quand je me projette trop dans le future, la nervosité s’en mêle».

En tant qu’amateur de courte piste depuis près de trente ans, j’aime toujours questionner les athlètes du moment pour savoir quels  athlètes du passé ayant représenté leur pays d'origine ont eu une influence sur eux. Poser cette question à un athlète canadien, japonais ou néerlandais offre une panoplie de réponse. La poser à une athlète originaire d’un pays dont l’histoire en courte piste tourne trop souvent autour d’une anecdote olympique datant de 2002 (voir Steve Bradbury) est tout autre. Ironiquement, Deanna Lockett se souvient avoir été inspirée par une athlète qui comme elle avait quitté son pays d’origine pour patiner sous d’autres cieux.  «Quand j'avais entre 10 et 12 ans, la Russe Tatiana Borodulina a patiné pour l'Australie. Elle a gagné des médailles en Coupe du monde et je dirais qu'elle a été une grande source d'inspiration pour moi, mais à part cela, je n'admirais pas vraiment d’autres patineurs et je ne connaissais pas vraiment les athlètes de la scène internationale avant de commencer à les côtoyer en compétition». 

Malgré le fait qu'elle fut par moment la seule patineuse à représenter l’Australie pendant les années ayant précédé son départ pour la Hongrie, Lockett a réussi à obtenir de bons résultats. En 2017, elle a remporté sa première médaille d’importance terminant troisième derrière Choi Min Jeong et Kim Boutin sur 1500m lors de la manche de Coupe du monde tenue à Budapest. La saison précédente elle avait fait une 4e place sur 1000m à Dresde. Avec l’équipe Hongroise lui permettant d’atteindre un plus haut niveau d’entraînement et d’ajouter les épreuves de relais à ses possibilités de médaille, la jeune femme croit que ses chances de podium sont encore meilleures. «Nous devons nous adapter et apprendre à trouver notre rythme, mais je pense que notre vitesse est bonne.» 

La jeune voyageuse est consciente que la vie qu’elle mène en ce moment diffère de celle de la majorité de la population et elle tente de profiter de tous ces moments au maximum. «C'est formidable de rencontrer des gens d'autres pays et de passer du temps avec eux. On se fait de nouveaux amis et on apprend des choses sur d'autres cultures. Si vous m'aviez dit il y a trois ans que je deviendrais citoyenne hongroise, je me serais moquée de vous. J'ai maintenant trois passeports!*»

Deanna Lockett devrait fouler la glace du Mokdong Ice Rink de Séoul du 13 au 15 mars prochain lors des Championnats du monde courte piste 2020.

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*Deanna Lockett possédait déjà un passeport australien et un passeport britannique avant d'obtenir sa nationalité hongroise.

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