Editorial par Carl Savard
Photo par Martin Holtom
Il peut nous arriver à tous d’avoir une mauvaise journée au boulot. Pour la plupart d’entre nous, cette situation ne se présente pas alors que le monde entier nous regarde. En 30 ans d’intérêt pour le courte piste et plus de 10 ans à côtoyer les athlètes et autres acteurs de ce merveilleux sport, j'ai vu ma part de moments où la fin d'une journée de compétition a laissé un goût amer aux nombreux fans et athlètes de courte piste. Le jour 2 des compétitions de patinage de vitesse courte piste qui s’est tenu hier aux Jeux de Pékin avait définitivement cette saveur.
Lorsque vous êtes liés à un sport qui réclame à grands cris une reconnaissance en dehors des périodes olympiques, ce serait tellement formidable si les choses pouvaient toujours se dérouler sans anicroche quand la planète est aux rendez-vous. Malheureusement, il arrive dans tous les domaines d’avoir une journée chaotique. En courte piste, l'état de la glace peut avoir un impact et devenir la cause de nombreuses chutes, entraînant de nombreux incidents et donc de nombreuses décisions devant être prises par les arbitres. Les enjeux peuvent être plus élevés qu'à l'habitude et apporter un stress supplémentaire aux athlètes et à l’équipe d’officiels en charge de la compétition. Et avouons-le, il n'y a pas de moment dans un sport qui brille aux Olympiques où les enjeux sont plus grands ... qu'aux Olympiques. Cette deuxième journée de compétition de l'épreuve de patinage de vitesse sur courte piste de Pékin 2022 a sa place dans le catalogue des journées difficiles. Principalement, mais pas seulement, à cause de la finale du 1000m chez les hommes.
Les questionnements ont débuté lors des demi-finales. Dans une des deux courses, Wu Dajing aurait pu être pénalisé pour une pénalité S2 sur Itzhak de Laat (la pénalité S2 est définie comme suit: Dans la ligne droite / Changement de couloir / De l'intérieur vers l'extérieur causant un contact). Si de Laat avait réagi plus fortement comme d'autres patineurs le font pour vendre l’infraction, le contact aurait eu plus de chance d’être appelé une pénalité, mais le Néerlandais n’est pas ce genre de patineur. À trois tours de la fin et alors que les deux patineurs impliqués se battaient pour la 4ème place, la situation a peut être été considérée comme mineur, mais si l'on considère que Wu s'est retrouvé en finale à cause d'autres incidents de course, cette non-décision a tout de même eu un impact sur la suite des choses. Cette situation est toutefois presque banale si on la compare à celle survenue dans l'autre demi-finale. Au milieu de la course, le Coréen Hwang Dae Heon en a eu assez d'être bloqué, par moment de façon discutable, par le Chinois Li Wenlong moins rapide que lui. De façon magistrale, Hwang a déjoué Li avec brio en se déplaçant vers l’extérieur pour attirer le regard de ce dernier et ensuite foncer à sa gauche alors que le Chinois regardait à droite. Une superbe manœuvre qui a propulsé Hwang de la 3ème place à la tête de la course. Li a été surpris par le dépassement et a perdu de la vitesse en tentant de revenir vers l'intérieur mais la porte s’était refermée. Il n'a pas été physiquement poussé par Hwang et le contact entre les deux patineurs a été anodin. La main gauche de Li touchant la jambe de Hwang déjà devant lui. Un contact définitivement plus banal que la main de Li touchant le genou de Hwang dans un mouvement vers l'arrière pour l’ennuyer au 4e virage.
"Regardez ce dépassement phénoménal de Hwang Dae Heon. C'était du grand art !" C'est ainsi que l'action a été décrite par la double médaillée olympique et championne du monde 2011 sur 1500m Katherine Reutter sur la chaîne américaine NBC. C'est également ainsi que la manœuvre a été vue par la majorité des fans et une armée de patineurs partout dans le monde. C'est le genre d’action que seuls les patineurs exceptionnels peuvent nous offrir. Le genre de moment excitant pouvant attirer de nouveaux fans. Au lieu de cela, on a dit aux téléspectateur que ce n’était pas ça le courte piste. La pénalité appelée a été une S6 - Dépassement tardif illégal causant un contact. Beaucoup d'entre nous l'avons regardé d'innombrables fois depuis hier et n'arrivons pas à la même conclusion. Ce qui s’est passé sur la glace n’est pas arrivé parce que Hwang a fait quelque chose de mal. Ce que nous avons vu sur la glace c’est un patineur dépassé, par l’action chirurgicale d’un patineur plus fort et plus rapide que lui, qui sort de la cuisine parce qu’il fait trop chaud. Malheureusement pour le sport, ce n'est pas ce que le pouvoir décisionnel a vu.
Et puis il y a eu la grande finale. Après un premier départ, la course a été rappelée mais dans la confusion les patineurs ont complété près de cinq tours. Lorsque la course a été relancée, il était clair que la finale risquait fort d’être chaotique. Nous nous sommes retrouvés avec une finale terne et désordonnée, remplie de contacts causés pour la plupart par la fatigue des patineurs, un carton jaune donné à Liu Shaolin Sandor et des athlètes sur le podium qui auraient pu être pénalisés pendant la course.
Après les événements, la Corée a levé un protêt en lien avec la pénalité décernée à Hwang et la Hongrie a également demandé à l'arbitre de réévaluer sa décision concernant la grande finale. On leur a répondu que selon le livre de règlements, ils n'avaient pas le droit de protester sur ce type de situation, mais que l'arbitre allait quand même examiner la question. Vous pouvez trouver la réponse complète de l'ISU (en anglais) ICI. Une réponse qui pourrait ne pas vous satisfaire.
Il peut nous arriver à tous d’avoir une mauvaise journée au boulot. Hier cette mauvaise journée au boulot a été mauvaise pour le patinage de vitesse courte piste.
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